Installation temporaire d’une œuvre graphique sur les marches de l’escalier Denis Papin

L’artiste Franck Moth investit les marches de l’escalier Denis Papin

L’endroit

Escalier monumental qui assure la liaison de la ville haute et de la ville basse de Blois depuis le 19ème siècle : Les 120 marches du grand escalier Denis Papin se font support d’une œuvre graphique temporaire par un jeu d’anamorphoses qui se contemple depuis l’axe du pont Jacques Gabriel ou se découvre à même les marches. Réalisée par le duo d’artistes Frank Moth, cette fresque “En t’aimant, mon monde s’est épanoui” est un collage photo. 

Pour Frank Moth, cette œuvre évoque l’amour, la camaraderie, l’introspection, la place des êtres humains dans leur environnement naturel, dans le temps et dans l’espace.” – Ville de Blois

 

 

Le design

La force de cette installation qui se situe à la convergence du street art, du design graphique et de l’art de l’affiche, tient dans sa capacité à transformer la perception d’un espace publique historique en un espace essentiellement émotionnel et visuel à la fois actuel et hors du temps.

Praticable et abordable par tous, cette œuvre cherche à se situer au cœur de la rue pour mieux interagir avec le plus grand nombre. Cette proximité, cette interaction et cette dimension émotionnelle sont justement quelques-uns des langages du design.

Puissant vecteur de messages le design graphique sait saisir la vue, détourner le regard et interpeller. Dans un double jeu d’aplanissement de l’espace et de nouvelles profondeurs permises par le gigantisme de l’image, le design graphique peut nous rappeler à quel point nos paysages urbains sont constitués d’images qui s’interposent à l’échelle architecturale et matérielle en apparence figée.

Le design graphique façonne et fait ainsi se mouvoir la perception de la rue, permettant des renouvellements urbains temporaires ou événementiels au grès d’inventions techniques le plus souvent réversibles (collages, affichages, projections, suspensions, recouvrements), qui suppose une fine connaissance des supports et matérialités de la rue (béton, asphaltes, crépis, surfaces métalliques, minérales ou vitrées…) C’est aussi faire naitre des opportunités d’interférences entre l’image, son support et la réactivité du grand public.

 

Vivant, vivants

Le questionnement de l’œuvre graphique sur “la place des êtres humains dans leur environnement naturel” s’inscrit pleinement dans le thème “Vivant, vivants” de l’édition 2023 de France Design Week. Comment incarnons-nous le vivant ? Quels sont les caractères de nos interactions avec le vivant qui nous entoure ? Quelle place avons-nous, quels rôles jouons-nous, entre vivant et vivants ? L‘œuvre elle-même s’affirme comme un support vivant : les peintures se recouvrent, s’abîment, s’effacent. La fresque évolue et vit en parallèle du spectateur. C’est aussi un art “à échelle humaine” qui se vit sur l’instant, se fait et se défait au fil de nos déplacements. L’anamorphose engage ici notre corps dans une mobilité sensible et réactive aux points de vue et n’a de véritable existence qu’à travers la posture active et vivante du spectateur.

L’émergence des parties végétales au cœur de l’œuvre et à ses abords apparaît soudainement dans toute sa fragilité à travers sa résonance visuelle et symbolique avec l’œuvre de Franck Moth comme si elles avaient été ménagées et épargnées. Ce vivant bien réel surgissant en îlot à travers l’œuvre de Moth semble prolonger une mise en abîme par sa perception quasi artificielle et semble nous tendre la question : que reste-t-il de notre rapport aux vivants, hier, ici, maintenant, demain ? Au delà de ces questionnements permis, l’œuvre de Franck Moth pourrait bien nous engager dans un nouvel art d’être au monde.